Titre : Guerre et Paix Intérieure chez Ibn Arabî : Le Soufisme comme Combat Spirituel

Introduction
Dans une époque où le terme jihâd est souvent associé à la violence, le penseur soufi Ibn Arabî (1165–1240) propose une vision radicalement différente : celle d’un combat intérieur contre les passions. Un article récent de Mohammed Chaouki Zine, chercheur à l’IREMAM, explore cette conception à travers l’œuvre d’Ibn Arabî, révélant comment le soufisme transforme la guerre en une quête de paix spirituelle.

  1. Le "Jihâd Majeur" : La Guerre contre Soi-Même
    Ibn Arabî s’appuie sur un hadith célèbre : "Nous revenons du petit jihâd (armé) pour nous livrer au grand jihâd (contre l’ego)."Pour lui, la vraie bataille est celle que mène l’âme contre ses vices. Cette idée, partagée par de nombreux mystiques comme Al-Tirmidhî ou Al-Ghazâlî, fait du soufisme une voie de discipline intérieure.

Citation clé :
"Le combattant (mujâhid) est celui qui mène le combat contre lui-même dans l’obéissance à Dieu."

  1. Une Lecture Mystique de la Guerre
    Ibn Arabî va plus loin : dans son livre Futûhât al-Makkiyya, il analyse le terme jihâdà travers la grammaire arabe et la symbolique des lettres. Par exemple, les voyelles (comme la dammaou la fatha) représentent des étapes du combat spirituel : mobilisation, victoire, ou défaite de l’ego.

Exemple :
Le verset coranique "Ce n’est pas toi qui lançais, mais Dieu qui lançait" (Cor. 8:17) illustre l’idée que Dieu est le seul véritable acteur, réduisant l’homme à un instrument de Sa volonté.

  1. Le Corps comme Champ de Bataille
    Les soufis comparent souvent le corps à une cité gouvernée par le cœur (le roi) et l’intellect (le conseiller). La passion (hawâ) y est une armée rebelle qu’il faut soumettre. Ibn Arabî décrit ce processus comme un "commerce spirituel" où l’âme échange ses vices contre la paix divine.

Image forte :
"L’âme est comme une denrée que Dieu achète au prix du Paradis." (Cor. 9:111)

  1. La Paix Intérieure : Ultime Victoire
    Pour Ibn Arabî, la guerre spirituelle mène inévitablement à la quiétude (sakîna). L’âme apaisée (nafs mutma’inna) retourne à Dieu "satisfaite et agréée" (Cor. 89:27-28), marquant la fin des combats intérieurs.

Conclusion : Un Message Universel
En redéfinissant le jihâd comme une lutte contre l’ego, Ibn Arabî offre une réponse aux conflits modernes : la vraie victoire est celle sur soi-même. Son héritage inspire encore aujourd’hui des figures comme l’Émir Abdelkader, qui mêlaient engagement politique et ascèse mystique.

Source : Mohammed Chaouki Zine
(IREMAM, Aix-en-Provence, France)

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Last modified on vendredi, 02 mai 2025 10:47
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